Les lieux diffusant des sons amplifiés font l’objet d’une réglementation particulièrement complexe issue des Codes de la santé publique et de l’environnement. En fait, parmi toutes les activités visées par la réglementation dite des « bruits de voisinage » issue du Code de la santé publique, ce sont les seuls à avoir en plus, des dispositions du Code de l’environnement qui s’appliquent !
Dans le présent article, je tente une explication.
Lieux diffusant des sons amplifiés : le constat et des questions
Les lieux musicaux ou, plus précisément, les lieux dans lesquels se déroulent des activités qui s’accompagnent de diffusion de sons amplifiés ou qui consistent en de la diffusion de sons amplifiés (la plupart du temps, de la musique) font l’objet d’une réglementation particulière, et cela, depuis 1998.
Ces lieux sont notamment : les salles de spectacles, les salles de concerts, les discothèques, bars à ambiance musicale, les salles des fêtes et salles polyvalentes municipales, certaines salles de sport, des salons de réception, les guinguettes, bref, là où sont diffusés des sons par l’intermédiaire de hauts-parleurs, et en général, de la musique.
Jusqu’alors, ces lieux dépendaient – et ils en dépendent toujours – de la réglementation dite « bruits de voisinage » du Code de la santé publique.
Le décret nº98-1143 du 15 décembre 1998 – et dont l’intitulé exact est : « décret nº98-1143 du 15 décembre 1998 relatif aux prescriptions applicables aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, à l’exclusion des salles dont l'activité est réservée à l’enseignement de la musique et de la danse » – est venu transformer la réglementation de ces établissements.
Le décret nº2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés est venu compléter et abroger le décret de 1998.
Dont acte ! Et je vous ferai grâce, dans cet article, du détail du dispositif réglementaire… Mais je me pose des questions :
- Mais d’où vient cette réglementation ? Bon, c’est facile, la réponse figure en titre du paragraphe qui suit…
- Et, pourquoi les lieux diffusant des sons amplifiés sont-ils les seuls à faire l’objet d’une réglementation en plus de celle du Code de la santé publique ? Là, je n’ai pas de réponse !
La loi bruit de 1992
C’est la loi nº92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit, dite également loi « Royal », qui a donné la possibilité au pouvoir réglementaire (comprenez : les ministres) de réglementer des activités bruyantes.
Le fait est que cette loi prévoyait également qu’une nomenclature des activités bruyantes soumises à autorisation soit établie (si si !), et que, plus généralement pour chaque activité, soit conçue une réglementation particulière, édictée par décret. Je trouve très intéressante la relecture de cet article 6 de la loi, c’est pourquoi je l’ai reproduite en intégralité :
« Art. 6. – Sans préjudice des autres dispositions législatives et réglementaires applicables, les activités bruyantes, exercées dans les entreprises, les établissements, centres d’activités ou installations publiques ou privées établis à titre permanent ou temporaire et ne figurant pas à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, peuvent être soumises à prescriptions générales ou, lorsqu’elles sont susceptibles, par le bruit qu’elles provoquent, de présenter les dangers ou de causer les troubles mentionnés à l’article 1er, à autorisation.
« Peuvent être soumises aux mêmes dispositions les activités bruyantes sportives et de plein air susceptibles de causer des nuisances sonores.
« La liste des activités soumises à autorisation est définie dans une nomenclature des activités bruyantes établie par décret en Conseil d’Etat pris après avis du Conseil national du bruit.
« Les prescriptions générales visées au premier alinéa et les prescriptions imposées aux activités soumises à autorisation précisent les mesures de prévention, d’aménagement ou d’isolation phonique applicables aux activités, les conditions d’éloignement de ces activités des habitations ainsi que les modalités dans lesquelles sont effectuées les contrôles techniques.
« Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article, notamment la procédure de délivrance de l’autorisation, les documents à fournir à l’appui de la demande d’autorisation et les modalités d’information ou de consultation du public.
« La délivrance de l’autorisation visée au premier alinéa est subordonnée à la réalisation d’une étude d’impact dans les conditions fixées par la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et soumise à consultation du public dans des conditions fixées par décret.
« Les délais et conditions de mise en conformité des activités existantes aux prescriptions établies en application du présent article sont fixés par décret en Conseil d’Etat. »
À ce jour, le pouvoir réglementaire n’a jamais défini cette nomenclature des activités bruyantes soumises à autorisation. Je poursuis ma réflexion sur ce sujet car je ne suis pas certain d’avoir un avis !
Et, concernant les activités qui ne sont pas soumises à autorisation : il n’y a que les établissements diffusant de la musique amplifiée qui ont fait l’objet d’une réglementation, en 1998.
Cet article 6 de la loi bruit a été codifié dans le Code de l’environnement, article L.571-6. Mise à part la référence à la loi de 1976 pour la réalisation des études d’impact, la rédaction est inchangée.
Le 4ème alinéa de l’article de loi me semble particulièrement intéressant, en ce sens que le pouvoir réglementaire (et là aussi, je n’ai pas d’avis sur le sujet) n’a pas, à ce jour, recouru pleinement au dispositif légal.
« Les prescriptions générales […] précisent les mesures de prévention, d’aménagement ou d’isolation phonique applicables aux activités, les conditions d’éloignement de ces activités des habitations ainsi que les modalités dans lesquelles sont effectuées les contrôles techniques. »
Notez également que ce dispositif légal ne donne la possibilité qu’au pouvoir ministériel de soumettre à autorisation : ainsi, les préfets et les maires ne peuvent édicter cette règle sur cette base légale-là.
Des questions
Les lieux diffusant des sons amplifiés sont ainsi les seuls qui font l’objet d’une réglementation supplémentaire aux dispositions relatives aux bruits dits “de voisinage” issues du Code de la santé publique.
La question à laquelle je n’ai pas de réponse est : pourquoi, parmi les “activités bruyantes”, seuls les lieux diffusant des sons amplifiés font l’objet d’une réglementation en application de la loi de 1992 ? En d’autres termes : pourquoi aucune autre activité n’est réglementée à ce titre ?
Je pense à diverses activités et équipements qui pourraient faire l’objet d’une réglementation supplémentaire spécifiquement sur le bruit qu’elles émettent : les stands de tirs et autres ball-traps, les pompes à chaleurs, climatiseurs et autres extracteurs d’air, les canons à gaz détonants qui effarouchent les oiseaux. Jusqu’en 2010, les parcs éoliens n’étaient pas des installations classées pour l’environnement et auraient pu faire l’objet d’un tel dispositif. Les circuits de sports mécaniques font l’objet de réglementations spécifiques de leurs fédérations mais les dispositifs réglementaires ne portent pas sur le bruit perçu depuis les voisins.
On pourrait également penser que quand on voit ce qu’a donné la réglementation sur les lieux diffusant des sons amplifiés alors il est pertinent de ne pas plus réglementer ! – du moins plus de cette manière.
Concernant cette nomenclature des activités bruyantes soumises à autorisation, j’y vois une idée ambitieuse du pouvoir législatif et qui n’est pas assumée par le pouvoir réglementaire : quel ministre accepterait de soumettre une activité à autorisation pour des raisons exclusives de bruit ? Et puis, qui dit nouvelle réglementation signifie moyens humains pour la mettre en application…
Ce que je vous propose
Si vous vous posez des questions sur le sujet du bruit, alors je vous invite à me contacter. Je peux vous aider à comprendre des situations qui sont juridiquement, techniquement et humainement particulièrement complexes.