ARS, SCHS : comment contrôler une étude de l’impact des nuisances sonores ? Une première réponse…

Vous êtes en agence régionale de santé (ARS), par exemple en service santé environnement, ou en service communal d’hygiène et de santé (SCHS) et vous êtes amenés à contrôler une étude de l’impact des nuisances sonores (EINS) ? Alors il est important d’avoir à l’esprit certaines notions pour mener à bien votre mission.

Le contrôle des EINS : le contexte

Parmi toutes les opérations de contrôles et d’inspections menées habituellement par les services de santé environnementale des ARS ou les SCHS, force est de constater que le contrôle des lieux diffusant des sons amplifiés est – disons-le ! – à part, et pour plusieurs raisons.

  1. la thématique de base est l’acoustique (donc de la physique), alors que généralement la formation des agents met l’accent sur des aspects biologiques, chimiques et biochimiques ;
  2. la mission de contrôle ou d’inspection est généralement menée suite à la réception d’une réclamation pour nuisances sonores, ce qui signifie que le contexte humain n’est pas des plus apaisés ;
  3. la réglementation bruit est particulièrement complexe.

Ainsi, le contrôle de l’EINS s’inscrit-il dans ce contexte dont on peut penser qu’il est générateur chez les agents de préjugés pas vraiment positifs et possiblement peu motivants sur le long terme.

D’où viennent les difficultés du contrôle de l’EINS ?

La réglementation bruit, et en particulier la réglementation dite « sons amplifiés » est particulièrement complexe. J’ai souvent rencontré des agents qui, dans le but de mieux réaliser le contrôle d’une EINS, créaient eux-mêmes leur propre base, ou grille, de contrôle. Moi-même, j’ai, au début de mon parcours, tenté cet exercice, et j’ai participé à plusieurs projets, y compris ministériels, en ce sens.

Avoir une grille de contrôle peut constituer une bonne base mais peut s’avérer insuffisant, en particulier au vu de la grande complexité de la réglementation.

Le fait est que la méthodologie de l’EINS n’est pas réglementée ; elle est à la discrétion du prestataire qui la réalise. Autrement dit, l’acousticien (en tout cas, je vous souhaite que le prestataire le soit…) est libre de ses choix méthodologiques.

La méthodologie de l’EINS n’est pas standardisée, c’est pourquoi il semble peu opportun de standardiser le contrôle… Ou du moins, le risque est de passer à côté de l’essentiel, de valider une étude qui n’aurait pas dû l’être et que la situation de nuisances sonores persiste…

EINS : des principes pour contrôler

À cette notion de grille de contrôle, je préfère celle de principes de contrôle.

Je vous propose une analogie : lorsque des pompiers interviennent, ils n’agissent pas tout le temps de la même manière mais ils s’adaptent à la situation en conservant à l’idée certains principes et notions de base, comme le fait de ne pas intervenir s’ils n’ont pas eux-même sécurisé leur équipe.

Bien entendu, pouvoir disposer d’une grille de type “cases à cocher” peut sembler a priori plus efficace, notamment en termes de temps et d’énergie passée mais le fait que la méthodologie de l’EINS n’est pas fixe ne permet pas de réaliser un contrôle rapidement.

1. Pour pouvoir définir ces principes : se baser sur les textes

Bien entendu, le préalable pour pouvoir définir des principes de contrôle est de connaître les textes de lois, de réglementation, les circulaires, les différents textes de bonnes pratiques et la doctrine. Dans le cas présent, force est de constater qu’il y a de la matière !

Les textes législatifs et réglementaires du Code de l’environnement

On trouve des obligations dans le II. de l’article R.571-27 du Code de l’environnement, ainsi que dans l’arrêté du 17 avril 2023 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés […]. Ces dispositions sont faciles à comprendre, j’en liste quelques-une ici et je vous invite à vous reporter aux textes pour les lires toutes :

  • l’EINS est réalisée conformément à l’arrêté du 17 avril 2023 ; notamment l’article 5 de cet arrêté liste ce que doit contenir l’EINS ;
  • l’EINS intègre les différentes configurations possibles d’aménagement du système de diffusion de sons amplifiés ;
  • elle peut conclure à la nécessité de mettre en place des limiteurs de pression acoustique ;

Les textes législatifs et réglementaires du Code de la santé publique

N’oublions pas que les lieux diffusant des sons amplifiés sont également soumis au respect des dispositions du Code de la santé publique en matière d’émergence. À ce titre, il me semble que l’arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits de voisinage […], constitue une source importante pour pouvoir contrôler l’EINS.

Conclusion sur les textes législatifs et réglementaires : premier principe

Pour pouvoir contrôler l’EINS, une idée me semble importante : suite à la réalisation d’une EINS, une mesure de bruit réalisée dans le voisinage par un service chargé du contrôle – et donc conformément à l’arrêté de 2006 que je viens de rappeler – doit pouvoir observer des émergences conformes. Cela me semble constituer le premier principe de la réalisation de l’EINS.

Attention toutefois, l’EINS ne saurait être une garantie absolue du respect des émergences ! En effet, d’une part il y a toujours des incertitudes de mesurage, d’autre part il peut y avoir de nombreux emplacements dans le voisinage et l’acousticien n’est pas tenu de faire des mesures en chaque emplacement…

N’empêche que cet objectif doit être gardé à l’esprit dans la réalisation de cette EINS. Ceci implique notamment :

  • puisqu’il s’agit d’émergences spectrales, de recourir à la méthode d’expertise de la norme de mesurage ;
  • que le lieu diffusant des sons amplifiés doit être conforme, y compris pendant les 30 minutes pendant lesquelles le bruit “résiduel” dans le voisinage est le plus bas (sur la période d’activité).

Les circulaires et autres notes d’informations

La circulaire du 23 décembre 2011 […] donne, notamment dans son chapitre 5, des éléments intéressants. L’EINS doit comporter :

  • l’étude acoustique permettant d’estimer les niveaux de pression acoustique ainsi que la préconisation de dispositions pour respecter ces niveaux.
  • la description des dispositions prises pour limiter le niveau sonore et ainsi respecter les valeurs maximales d’émergence ;
  • l’attestation de leur bonne mise en œuvre.

Cette circulaire indique également d’autres informations que doit contenir l’EINS et qui sont plus ou moins reprises dans l’arrêté de 2023…

La note d’information DGS/EA2/DGPR/2023/188 du 5 décembre 2023 relative à la réglementation sur la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés vient compléter le dispositif ministériel.

Les guides de bonnes pratiques

Le guide sons amplifiés, est, à ce jour, la source d’information la plus complète sur le sujet et je vous invite vivement à vous y reporter.

Le guide méthodologique rédigé par Giac et publié en 2000, accessible en téléchargement depuis le site du guide « sons amplifiés » gagne à être lu, en particulier pour tout en tenant compte des évolutions réglementaires postérieures.

2. Ce qu’implique ce corpus de textes : deux principes supplémentaires

Face à ce grand nombre de textes, on a pu trouver un principe qui doit diriger la méthodologie de l’EINS : elle a pour objectif (sans pouvoir le garantir) d’assurer un respect des émergences. Cela passe par :

  • des mesures de bruit en différents emplacements ;
  • des prescriptions de dispositions à prendre pour respecter les émergences ;
  • une attestation de la bonne mise en œuvre de ces dispositions.

Respecter les émergences implique par conséquent :

  • de faire, dans l’étude acoustique, des choix méthodologiques majorants ; et c’est là, à mon sens, le second principe de la réalisation de l’EINS ;
  • une parfaite complétude dans la mise en place des dispositions complémentaires ; et voilà un troisième principe.

L’étude acoustique doit comporter des choix méthodologiques majorants

En effet, un choix méthodologique non-majorant implique que l’EINS ne définit pas des niveaux sonores de nature à respecter les émergences, ce qui peut s’interpréter comme étant une non-conformité.

Un exemple : dans le cadre d’une EINS, estimer un niveau de bruit “résiduel” sur la base d’une mesure faite de jour, et pendant l’heure de pointe, pour un établissement qui n’ouvre que la nuit n’est pas majorant car cette estimation n’est pas faite sur la plage horaire de l’activité de l’établissement et qu’on a tout lieu de penser que le bruit de fond la nuit est bien plus bas ; ainsi, définir un seuil sur cette estimation est de nature à générer des émergences non-conformes la nuit…

Le lieu n’est pas conforme tant qu’il n’a pas attesté de la parfaite mise en œuvre des dispositions complémentaires

Si on garde à l’esprit que l’EINS a pour objectif de définir un fonctionnement du lieu conforme aux émergences, alors il est impératif de garantir un fonctionnement avec les dispositions édictées dans l’étude acoustique.

Un exemple : si les conclusions de l’EINS sont valables avec l’intégralité des ouvrants en position fermée, et si l’établissement maintient une porte ouverte sans pouvoir attester de sa parfaite fermeture alors même que l’étude avait recommandé la mise en place d’un sas avec contacteurs, alors on a toutes les raisons de penser que les émergences ne sont pas respectées pendant les ouvertures de portes…

Ce que je vous propose

Vous comprenez que contrôler une EINS demande une appropriation qui demande du temps. Si vous vous posez des questions, alors je vous invite à me contacter. Je peux également assurer une prestation de contrôle.

Dans mon prochain article, j’aborderai la notion de sécurisation juridique du contrôle.