Dans mon passé d’inspecteur à l’ARS, j’ai entendu à plusieurs reprises cet argument, de la part d’un responsable d’activité bruyante ou encore du personnel de l’administration en charge de l’application de la réglementation relative aux nuisances sonores : « M. & Mme Untels ont emménagé il y a quelque temps à côté de l’activité bruyante en question. Ils devaient bien s’attendre à ce qu’il y ait du bruit », avec le sous-entendu qu’aujourd’hui M. & Mme Untels se plaignent et avec comme décision conséquente de ne rien faire concernant le bruit.
L’activité peut être celle d’un bar à ambiance musicale, d’une discothèque, une salle des fêtes municipale ou bien même plus généralement une activité professionnelle, sportive, culturelle, de loisir.
Bien entendu, le sujet est celui de l’antériorité en matière d’urbanisme et de nuisances sonores.
Dans cet article je tente une explication :
- pourquoi les nouveaux voisins se plaignent du bruit de l’activité bruyante existante alors qu’ils connaissaient parfaitement les désagréments possibles de l’activité en question ;
- quels sont les risques pour les responsables de l’activité bruyante ;
- quels sont les risques pour l’administration en charge de l’application de la réglementation relative au bruit.
Pourquoi les nouveaux voisins se plaignent du bruit dont ils avaient connaissance avant leur emménagement ?
Mon interprétation est la suivante : on ne connaît pas une situation avant de l’avoir vécue.
Je pense que les personnes qui emménagent à côté d’une activité bruyante en connaissance de cause et qui s’en plaignent ensuite ont préjugé, minimisé l’aspect bruit, ou encore ne l’ont pas priorisé à sa juste mesure. À l’opposé, il y a de nombreux projets bruyants qui voient le jour sans que le sujet du bruit soit pertinemment évalué… Dans tous les cas, il s’agit d’une méconnaissance du sujet (d’où l’intérêt à recevoir des conseils pertinents 😉).
Il me semble que la situation des personnes qui subissent les nuisances sonores est à rapprocher de certaines pathologies psychiques ; il y a de nombreux symptômes communs. Autrement formulé : tant qu’on n’a pas vécu un épisode de ce type, on peut avoir un point de vue biaisé sur la dépression, le burn-out (etc) ou encore une situation psychique rendue particulière à cause de nuisances sonores. Je pense à une phrase type qu’on peut adresser à un proche en souffrance psychique : « Pourquoi tu ne te fais pas à manger ? C’est pourtant facile ! » et qui dénote une méconnaissance de la pathologie. De même, j’imagine que les personnes qui emménagent se disent : « Le bruit ? Ça devrait aller ! ».
Ensuite, une distinction est nécessaire quant au type de source à l’origine de la nuisance sonore.
Le bruit d’une source qui semble inéluctable, dans le sens où le préjugé porte sur le caractère inarrêtable du bruit (par exemple : le bruit provenant d’une route, même si réglementairement ce type de bruit ne fait pas partie des bruits d’activités) n’a – à mon sens – pas le même potentiel de plainte que celui que l’on pense évitable ou améliorable (par exemple : un bar).
Je m’explique : dans les deux cas le bruit a un impact sur la santé des voisins mais dans le premier cas l’idée de l’inéluctabilité de la situation est de nature à impliquer de la résignation (« on ne changera pas la route… ») ; dans le second cas, les voisins savent parfaitement que le bruit pourrait être évité (« ils pourraient tout de même fermer la porte ! ») et initient une ou des actions de nature à mettre un terme à la gêne ressentie, notamment par le biais d’une plainte…
Ainsi, nous pouvons percevoir, à travers ces exemples, certains aspects psychologiques des nuisances sonores…
Quels sont les risques pour les responsables de l’activité bruyante ?
Il se trouve que la nouvelle version de l’article de loi relatif à l’antériorité, consigné dans l’article 1253 du Code civil par la Loi nº2024-346 du 15 avril 2024 stipule :
D’une part, cet article ne donne pas la possibilité à l’activité existante de déroger à la réglementation.
D’autre part, il est précisé que la responsabilité du responsable de l’activité bruyante n’est pas engagée sous réserve que les activités se soient poursuivies dans les mêmes conditions au minimum sans aggravation du trouble. Et, en matière de nuisances sonores, ces réserves à l’engagement de la responsabilité sont difficilement démontrables… Par exemple, il faudrait pour ce faire réaliser des mesures de bruit qui prouveraient, avant et après l’emménagement des voisins, la poursuite de l’activité dans les mêmes conditions…
C’est bien cela qui pose question pour les responsables d’activités bruyantes : un voisin peut s’installer à proximité du lieu de l’activité et demander que la réglementation soit respectée.
Ainsi, les risques juridiques sont les mêmes que pour toutes les autres activités professionnelles, culturelles, sportives ou de loisirs. L’antériorité ne change rien à la situation réglementaire de l’activité vis-à-vis du bruit émis.
Quels sont les risques pour l’administration en charge de l’application de la réglementation relative au bruit ?
Le risque de l’interprétation erronée « l’activité était là avant donc l’administration ne fera rien » est bien d’engager la responsabilité de l’administration pour incompétence négative – lorsque une administration compétente pour agir ne le fait pas – car une action est nécessaire, comme pour toute autre activité bruyante.
Ce que je vous propose
Les nuisances sonores couvrent de nombreux aspects y compris des aspects dits humains (psychologiques, communicationnels, pratiques, organisationnels) en général peu abordés en plus des aspects juridiques, acoustiques et techniques.
Je suis en mesure de vous aider et de vous orienter sur l’ensemble de ces aspects. N’hésitez-pas à me contacter.